L’arrivée de services connectés dans l’espace public n’est pas sans poser de questions profondes. Comment faire bénéficier aux citoyens un service numérique qui nécessite peu d’équipement préalable et qui reste simple et accessible en dépit de contraintes technologiques ? C’est une question qui a été abordée lors d’une conférence de l’ACSEL en octobre dernier, voici quelques éléments de réponse et mon point de vue sur la question.
Rendre l’information accessible
La première étape est évidemment de rendre disponible l’information des systèmes d’information publics. Aujourd’hui, c’est en partie chose faite au niveau national avec le site data.gouv.fr et localement avec des sites dédiés comme OpenData Paris. Leurs missions ? Fournir des données publiques ouvertes et libres (« Open Data ») et inciter les gens à en faire usage.
« Oui mais », monsieur tout-le-monde n’est pas forcément expert et il y trouvera son compte seulement si on lui facilite l’accès à ces données. Peu enclin à lire des log de de raw data, une interface simple et universelle est quasi obligatoire. Pourtant, mettre en place cet habillage cosmétique pour tous n’est pas toujours si simple…
La difficulté du multiplateforme
Nous sommes en 2009 et la première App Vélib’ sort pour accompagner le service qui est installé dans la capitale. Dans l’air du temps, elle est disponible sur iPhone (iOS3 pour les nostalgiques) ou uniquement disponible sur iPhone devrait-on dire. A l’époque les smartphones en sont à leurs débuts et l’appareil d’Apple qui est considéré haut de gamme, représente 10% du marché mobile. Pour le reste des utilisateurs, soit 90% de l’écosystème mobile, ils doivent passer directement par la borne pour gérer l’emprunt du vélo… autant dire qu’ils perdent une sérieuse partie de l’intérêt du service. Quelques mois plus tard l’application arrive enfin sur les autres plateformes, ouf ! Apprendre de ses erreurs est un chemin sinueux puisque l’histoire se répète en décembre 2011 avec le lancement du service Autolib… La mairie de Paris ambitionnait-elle d’offrir des iPhone à tous les habitants ?! 🙂
Soyons rassurés ! En 2017, le multiplateforme pour les appareils mobiles est devenu un problème très secondaire. Très simplement : avec 99,6% du marché détenu par iOs (17,9%) et Android (81,7%), un développement sur ces deux systèmes assure une couverture de service quasi complète du parc. Pour les autres systèmes : une application web (autrement dit un site internet comme on disait à l’époque) est suffisant dans la majorité des cas. Aujourd’hui les navigateurs sur mobiles sont performants, les sites sont responsive et le HTML5 a tué les technologies propriétaires et peu portables comme Silverlight ou Flash, ce qui n’était pas le cas au début des années 2010. Un hic persiste : la problématique de la rétro-compatibilité des applications avec des OS anciens, mais on dévie du sujet… Alors, où est le problème si toutes les plateformes sont desservies ? Et bien c’est le smartphone en lui-même…
Le devoir moral de posséder un smartphone
Aujourd’hui, le débat de fond est moins sur la compatibilité du terminal que sur la possession d’un appareil. En pour cause, on oublie souvent un peu vite les 35% de Français qui n’ont pas de smartphone et les 15% de Français sans accès internet (ARCEP, 2016). Ce sont autant de personnes qui ne peuvent pas bénéficier facilement du service public numérique et si l’on peut attendre que ces chiffres baissent avec le temps, on peut affirmer qu’ils ne sont pas encore négligeables et doivent êtres pris en compte.
On voit bien que la question autour de l’universalité et de l’accessibilité de l’information publique est plus vaste et plus épineuse que la simple compatibilité logicielle ou la mise à disposition des données. Encore un exemple : en 2016 le gouvernement choisit de développer une appli pour le service Alerte Attentats (SAIP) au lieu d’un universel service SMS en cas d’alerte. On assiste alors à une polémique (justifiée) comme quoi une partie de la population est mise à l’écart. De plus, l’inexcusable dysfonctionnement du service le soir des attentats de Nice aurait probablement pu être atténué avec un service SMS simple et robuste. Bref, il serait judicieux de conserver des moyens de consultation traditionnels pour tous les services connectés publics en cours de déploiement ; par exemple pour les compteurs communicants dont le relevé est accessible uniquement en ligne.
Et demain ?
En tout état de cause les smartphone vont devenir la norme et on peut raisonnablement penser que la fracture numérique va s’atténuer. Pourtant, on voit qu’il existe au-delà une problématique forte autour de la notion de service public numérique et le pré-requis de posséder un appareil numérique personnel. S’il n’y a rien de révolutionnaire dans le fait que la technologie laisse certaines personnes en marge, il est bon de l’avoir en tête et de trouver des solutions simples et accessibles.
Souvenez-vous de votre lointain grand grand oncle qui n’avait pas le téléphone fixe dans les années 1990… il n’y a qu’un pas pour penser que l’histoire qui se répète !
Laisser un commentaire